Qu’est-ce que l’endométriose ?
Pr B DOUSSET
L’endométriose se définit par la présence de tissu endométrial fonctionnel (l’endomètre est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de la cavité utérine) en dehors de la cavité utérine. Ces nodules d’endométriose sont dépendants de la sécrétion hormonale d’œstrogènes et de progestatifs par les ovaires. Ces lésions vont donc proliférer, saigner et laisser des cicatrices fibreuses à chaque cycle, qui vont se majorer au cours de la vie génitale des patientes atteintes d’endométriose. Le mécanisme principal es le reflux tubaire per-menstruel, c’est à dire du sang qui va refluer pendant les règles par les trompes dans la cavité abdominale. Ce mécanisme extrêmement fréquent chez les jeunes femmes en période d’activité génitale est le plus souvent sans conséquence.
Toutefois, chez certaines patientes, ces mêmes cellules peuvent se fixer aux organes avoisinants et se développer, en raison de l’incapacité du péritoine à éliminer ces fragments d’endomètre. L’endométriose pelvienne atteint d’abord le péritoine, les trompes et les ovaires. Lorsque ces nodules pénètrent en profondeur sous le péritoine, dans la cloison recto-vaginale, ils vont entrainer une atteinte du torus utérinum, des ligaments utérosacrés et du cul de sac vaginal postérieur définissant l’endométriose pelvienne profonde.
L’endométriose pelvienne profonde avec atteinte digestive se définit par une atteinte endométriosique plus grave avec extension en profondeur à la musculeuse digestive qui peut se faire par contiguïté dans la cloison rectovaginale avec la face antérieure du rectum, au contact de l’annexe gauche (trompe + ovaire) avec le colon sigmoïde, au contact de l’annexe droite avec l’appendice, le colon droit et l’intestin grêle terminal. L’endométriose pelvienne profonde avec atteinte urologique se définit par une atteinte endométriosique plus grave avec extension en profondeur à la musculeuse urinaire qui peut se faire par contiguïté dans le cul de sac inter-vésico-utérin avec la vessie, et latéralement dans le paramètre avec l’uretère droit ou gauche. Les formes les plus graves d’endométriose pelvienne profonde peuvent ainsi associer une atteinte pelvienne péritonéale, ovarienne et tubaire (les trompes), une atteinte profonde (ligaments utérosacrés, cul de sac vaginal postérieur), une atteinte digestive éventuellement multiple (rectum, sigmoïde, colon droit) et une atteinte urologique (vessie, uretères).
L’endométriose pelvienne profonde se manifeste essentiellement sous forme de douleurs invalidantes lors des règles, lors des rapports sexuels et représente une cause fréquente d’infertilité, dont les mécanismes sont complexes. Les atteintes digestive et urologique se manifestent par des signes digestifs ou urologiques associés, parfois absents, ce qui explique le diagnostic souvent retardé de celle-ci. Son diagnostic se fonde sur l’examen gynécologique et un bilan radiologique et endoscopique associant une écho-endoscopie rectale, une échographie endovaginale, une IRM pelvienne et un scanner abdomino-pelvien couplé à une opacification basse, qui doivent être réalisés par des opérateurs expérimentés dans l’endométriose. Selon l’âge, la gravité des symptômes, le désir d’enfant le traitement diffère selon les patientes. Le traitement médical améliore les symptômes et se fonde sur le blocage de l’activité hormonale ovarienne par différents médicaments mais bloque la fertilité. Chez les femmes jeunes, sans enfant, en désir de procréation, la discussion multidisciplinaire avec la patiente peut déboucher sur le choix de tenter une grossesse médicalement assistée avant de proposer un traitement chirurgical.
Si celui-ci est retenu en première ou en seconde intention, la chirurgie est menée le plus souvent par cœlioscopie, sauf lorsqu’il existe plusieurs antécédents de chirurgie par laparotomie. Le traitement chirurgical consiste à enlever toutes les lésions d’endométriose pelvienne (péritoine, trompe, ovaire) , pelvienne profonde (ligaments utérosacrés, cul de sac vaginal postérieur), digestives et/ou urologiques tout en préservant la fertilité, c’est-à-dire l’utérus et au minimum une trompe et un ovaire. L‘adénomyose, qui correspond à une endométriose intra-utérine (la muqueuse utérine s’infiltrant en profondeur dans l’épaisseur du muscle utérin) est présente chez près de 80% des patientes porteuses d’une endométriose profonde avec atteinte digestive, mais n’empêche pas la fertilité et ne représente pas une source de récidive après la chirurgie. Dans de rare cas de jeunes femmes plus âgées, ayant déjà eu des enfants, déjà multi-opérée pour l’endométriose, ayant une atteinte utérine sévère (adénomyose et fibromes responsables de douleurs et de saignements), on peut être amené à proposer une chirurgie radicale emportant l’utérus et les deux ovaires en plus de l’ensemble des lésions d’endométriose.
Ces décisions thérapeutiques, lourdes de conséquences, pour la fertilité et le schéma corporel féminin, font l’objet de plusieurs consultations avec le chirurgien gynécologue, le chirurgien digestif. Ces consultations ont pour objet de préciser les enjeux et les conséquences du traitement choisi avec la patiente, son conjoint ou sa personne de confiance. La décision chirurgicale requiert une adhésion au projet thérapeutique dans une parfaite transparence et compréhension de la maladie de ses conséquences et de son traitement. Le groupe hospitalier Cochin-Broca-Hôtel Dieu est un centre national de référence pour la prise en charge de l’endométriose pelvienne profonde fondée sur une prise en charge multidisciplinaire associant l’équipe de chirurgie gynécologique du Pr Chapron, de Médecine de la reproduction du Pr De Ziegler, de chirurgie digestive du Pr Dousset et de chirurgie urologique du Pr Debré. Plus de trois cent cinquante patientes atteintes d’endométriose pelvienne profonde avec atteinte digestive et/ou urologique ont été ainsi été opérées depuis 15 ans en collaboration étroite avec ces équipes.
Endométriose enteroscanner 2010
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Endometriose pelvienne profonde avec atteinte rectale
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